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evene (nov 2009)

Mécanique du cœur


Nouvelle venue dans le monde de la pop anglo-saxonne, la gracile Florence Welch ne paye pas de mine.
Pourtant, avec une victoire aux Brit Awards, une nomination pour le Mercury Prize et la sortie de son premier album 'Lungs' en juillet, la demoiselle est bien l'une des sensations de cette rentrée musicale.

A 23 ans à peine, son univers à la fois féérique et tourmenté lui vaut déjà la comparaison avec les mystiques Kate Bush ou Sinéad O'Connor : autant dire que les critiques, aussi enthousiastes soient-elles, ne font pas dans le léger.
Pourtant, la pop délirante de Florence and the Machine, portée aussi bien par des ambiances électro que des guitares vrombissantes, défie toute comparaison possible et se joue des classifications. Rencontre avec cette magicienne des sens et des sons.

Quand avez vous débuté en musique et comment sont nées vos premières chansons ?

J'ai commencé à écrire vers 11 ans, mais à cet âge-là, c'étaient surtout des chansons de mauvaise qualité !
J'étais déjà bien optimiste : elles parlaient toutes de ruptures imaginaires, avec des images très mélodramatiques, comme des fleurs fanées, des tableaux cassés...

Mais je n'avais pas encore de petit ami à ce moment-là donc tout n'était que fantasme...

La part laissée à l'imaginaire et au rêve est effectivement une dimension essentielle de ce premier album ?

Oui, c'est vrai.
Je conçois mes chansons comme des paysages, des endroits imaginaires, à l'image des contes de fées.
Je crois qu'à travers ma musique, je cherche à ouvrir des portes vers d'autres mondes, comme dans les rêves ou les cauchemars.
Mais c'est une règle que j'applique aussi dans ma vie de tous les jours
; la frontière entre le rêve et la réalité est finalement très ténue, très précaire.
Si on est capable de voir la magie dans le quotidien le plus banal, alors tout prend une dimension fantastique.

Vous parlez de paysages pour décrire votre musique : est-ce que vous vous inspirez aussi de références picturales ?

Effectivement, il y a quelque chose de très visuel dans mon univers.
Par exemple, j'ai été très influencée par le tableau 'Ophelia', de Millais, et par son histoire, à la fois romantique et tragique.

Millais avait pour muse une jeune fille qui s'appelait Lizzy je crois.
Pour faire ce tableau, elle a posé dans un bain d'eau glacé des heures durant, et a fini par mourir d'une bronchite.
Au-delà de l'anecdote, cette peinture colle parfaitement avec le type d'inspirations dans lesquelles je puise, notamment pour la construction de mes clips, ou les décors de mes concerts.
Pour réaliser la série de photos et la pochette de mon album, on a aussi étudié les mouvements romantiques et symbolistes ; on voulait quelque chose qui ait l'air aussi intemporel et éternel que ces tableaux, comme celui de Millais, qui ne fasse pas trop moderne mais sans que cela ressemble non plus à un pastiche.

Vous semblez avoir un grand intérêt pour l'art en général ?

C'est très important de garder les yeux ouverts sur ce que font ou ce qu'ont fait les autres autour de soi.
On ne peut pas se contenter de sa petite expérience personnelle, il faut chercher l'inspiration partout.
Je pense que toutes les formes artistiques sont reliées, que le processus de création est sensiblement le même.
C'est pourquoi je lis beaucoup, je visite des galeries, des musées, cela nourrit sans cesse mon imagination.

On retrouve d'ailleurs cette diversité dans les influences que brasse votre musique : pop, rock, électro...
De quel style en particulier vous sentez-vous le plus proche ?


Je n'ai pas de registre de prédilection.
Je suis autant inspirée par ce qui se fait en hip-hop que par les musiques plus alternatives.
Pour cet album, j'ai voulu faire quelque chose de très éclectique, un peu sur le modèle de ce que peut faire un groupe comme Arcade Fire.

L'influence d'origine est bien sûr très pop-rock, à la manière de Liars, mais j'ai voulu rajouter des touches d'électro, par exemple dans les rythmes de batterie et les percussions.
Ce qui ne m'empêche pas d'être influencée depuis mon enfance par les grandes voix du jazz féminin, comme Billie Holiday, Etta James...
La fusion de toutes ces inspirations a abouti à un disque vraiment personnel, dans lequel je dévoile des facettes de moi très différentes les unes des autres, des moments de ma vie.

Cela explique le foisonnement d'instruments utilisés par votre ''machine''...

L'idée d'une machine est assez impersonnelle, cela correspond à mon désir de jouer avec des musiciens toujours différents, qui viennent de divers horizons et qui changent tout le temps.
Je considère mon groupe comme une espèce d'entité mouvante, qui n'est jamais fixe.

D'où le caractère très riche de l'instrumentation.  

D'où vient ce nom, ''la Machine'' ?

A l'origine, cela vient d'une plaisanterie avec mon premier groupe.
Une de mes amies passait beaucoup de temps sur des ordinateurs, ou à faire de la musique en studio, mais seulement à partir de machines : un vrai robot !
C'est cette histoire qui a inspiré le nom de mon groupe actuel.
Et puis j'aime le côté industriel, dur et froid qui lui est associé, que j'ai voulu opposer au caractère féminin de mon prénom.


Cela donne effectivement à votre album un caractère très contrasté, avec des textures entre ombres et lumières, entre des textes durs, parfois cruels d'un côté et la légèreté des mélodies de l'autre...

Je pense qu'en tant que chanteur, on passe forcément par ce type de conflit.
On peut prendre un plaisir immense à chanter tout en racontant une histoire triste et malheureuse.
Les sentiments se confondent, se superposent.

Au-delà de ça, je ressens la joie ou l'amour comme étant toujours mêlés à une certaine douleur.
Les grands moments de bonheur sont souvent suivis de moments de souffrance ; c'est ce qui rend les émotions si intenses.
J'ai juste essayé de capter ces sensations et de les enregistrer, dans leurs contrastes, dans leurs contradictions.

A travers vos chansons, vous parlez essentiellement d'amour.
Est-ce lié à une expérience personnelle ?


Quelques-unes le sont.
Certaines ont été écrites quand j'avais 22 ans, au moment où je suis tombée amoureuse et où j'ai souffert pour la première fois à cause d'un homme.
J'essaye de me servir de mon expérience et de mes propres émotions pour écrire, mais beaucoup de mes chansons sont aussi inventées.
Je n'essaye pas de donner une opinion particulière, mais de transmettre un état d'esprit auquel les gens peuvent s'identifier.

Vous savez, on se rend compte très vite que les mots sont insuffisants pour décrire les sentiments : on ne peut pas se contenter de dire "je suis heureux" ou "je suis triste".
Il y a différents degrés d'intensité que la langue ne peut traduire.
Voilà pourquoi j'accorde autant d'importance aux atmosphères de mes chansons et j'utilise des instruments un peu planants, comme la harpe, les synthétiseurs ; ils m'aident non pas à dire aux gens ce que je pense, mais ce que je ressens, pour qu'ils puissent s'y reconnaître.
J'essaye de capter des sensations qui soient universelles.

D'où cette récurrence du vocabulaire autour du corps dans vos textes ?

Chanter, c'est physique !
La musique donne instinctivement envie de danser, de bouger.
C'est ce que j'essaye de transmettre à travers mes paroles, cette énergie dont je suis investie quand je chante et que je ressens physiquement, en particulier sur scène.
Les concerts ont quelque chose de libérateur pour le corps, c'est le prolongement nécessaire du travail en studio, qui lui ne permet pas le même type d'expression.

J'aime l'idée, quand je suis sur scène, de donner tellement d'énergie physique, que je pourrais presque en mourir.
Il y a quelque chose de viscéral, de pulsionnel là-dedans.

Sur scène, vous donnez l'impression de jouer sur une image assez équivoque de votre féminité, entre jeune femme innocente et femme fatale, provocante...

Nous avons tous une double personnalité, et nous passons constamment de l'une à l'autre !
Cela dépend de l'état dans lequel je suis quand je monte sur scène et aussi des vêtements que je porte.
Mes tenues conditionnent beaucoup le type de personnage que je vais incarner.
Je vis la scène vraiment comme un terrain de jeu, une pièce de théâtre dans laquelle je peux me métamorphoser, jouer des rôles différents.
Parfois, j'ai envie de jouer à la fille romantique, parfois, je veux me sentir dominatrice, dure.
A d'autres moments encore, je préfère être plus discrète, plus modérée.
Ce sont vraiment des facettes différentes de moi qui ne s'expriment que sur scène, et que je ne peux pas incarner avec autant de facilité dans la réalité.

Propos recueillis par Cécile Rémy pour Evene.fr





15/08/2011
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